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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 00:04

etalement_urbain.jpgAlors que les investisseurs des puissances émergentes s'emparent des terres fertiles du monde, en Amérique du sud, en Afrique voire en Europe, il semble qu'en France on préfère artificialiser les sols agricoles pour construire des lotissements pavillonnaires et des centres commerciaux. Sensés augmenter les ressources communales, répondre à la demande croissante de logements et créer des emplois, ce modèle de développement semble être celui des années 70, où les supermarchés et la maison individuelle symbolisaient la modernité et le progrès social. 

Autrefois accusée de tuer les petits commerces de proximité, la grande distribution tue désormais les producteurs dans sa guerre des prix et les agriculteurs dans sa conquête foncière.

En marge, des projets de rénovation urbaine tentent de proposer une autre voie de développement des territoires par la réhabilitation de friches industrielles en zones mixtes d'activités et de logements. D'autres projets architecturaux emblématiques explorent de nouvelles façons de penser l'habitat et la densité. Mais ces projets font encore figure d'exceptions, expressions de volontés politiques locales fortes ou bien de gestes architecturaux subventionnés par des fonds privés et/ou publics.

Les friches valorisables sont certes plus difficiles à convertir, notamment à cause du coût du foncier et des droits de propriété, que des terres agricoles qui se transforment en terrains constructibles à l'aune d'une révision du plan local d'urbanisme ! La maîtrise du foncier étant confiée aux maires, qui délivrent les permis de construire, il est bien difficile de planifier un urbanisme cohérent et durable sur un territoire couvrant plusieurs communes.

La question de l'occupation des sols est pourtant centrale pour une stratégie nationale de développement durable. Le sol et le territoire sont nos principales ressources, dont les exploitations entrent en concurrence entre elles. Sur un territoire vaut-il mieux exploiter la fertilité du sol et le climat par l'agriculture, la sylviculture, la production d'énergie solaire, ou bien sacrifier ces ressources naturelles pour y construire des voies de circulation, des bâtiments... L'Etat n'étant pas propriétaire du sol, ces questions peuvent pourtant être tranchées exceptionnellement par l'Etat qui peut faire valoir l'intérêt national pour construire des lignes de TGV, des autoroutes. Mais à l'inverse, la sauvegarde (d'intérêt national) d'une agriculture française fait rarement l'objet de préemption de l'Etat.

A-t-on pourtant conscience que l'articificialisation est quasi irréversible ? que chaque fois que l'on transforme une terre agricole en champ de pavillons on s'éloigne encore un peu plus d'une potentielle autonomie alimentaire basée sur une agriculture durable ?

Rappelons un point important. L'agriculture intensive pratiquée en France lui permet aujourd'hui d'être exportatrice nette de denrées alimentaires. Mais ce modèle basé sur des engrais et des pesticides apauvrit progressivement les sols, nuit à la santé des agriculteurs et des consommateurs, détruit la biodiversité, contribue considérablement au changement climatique et ne permet pas non plus à l'agriculture d'être autonome économiquement. L'agriculture française a besoin d'une mutation profonde, d'une transformation au moins aussi importante que celle nécéssaire à l'industrie. L'agriculture doit permettre de redonner une place de premier plan au paysan grâce notamment à la revalorisation économique de leur travail (problème des circuits de distribution). L'agriculture doit aussi changer de mode de production pour adopter des pratiques plus respecteuses de l'environnement et de la santé humaine. Or, ce changement, s'il s'accompagne d'une légère perte de rendement, ne peut être compatible avec une réduction des surfaces agricoles en France.

Les territoires français sont un atout considérable. Ils pourraient valoir à la France une place particulière dans le monde. Car si le rôle philanthropique de fournisseur de denrées agro-alimentaire pour les différents pays du monde dépourvus de terres fertiles suffisantes pour nourrir leurs populations peut faire débat, la pression planétaire sur ces ressources fait définitivement des territoires français un avantage stratégique de premier ordre. Or cet avantage stratégique ne peut être laissé à l'appréciation des collectivités locales.

La lutte contre l'étalement urbain devrait s'inscrire dans la lutte contre la désindustrialisation et pour l'emploi, et en cohérence avec la maîtrise de la consommation énergétique. promouvoir une agriculture durable, c'est aussi l'occasion de réinventer un mode de vie rural attractif et créateur d'emploi. Le projet intial de la loi Grenelle II prévoyait d'attribuer la maîtrise du foncier non plus au niveau de la commune mais à celui de l'intercommunalité. Il s'agit ici d'une clef essentielle pour un aménagement stratégique en phase avec les projets de société qui consiste à renforcer le pouvoir des collectivités territoriales sur leur territoires. Mais l'intercommunalité est-elle encore la bonne échelle ?

A voir aussi la Lettre info du Comité 21 Spécial Ville durable.

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